LE MAGICIEN

Je suis en admiration devant les artisans : ces types sont des magiciens. Hier encore, le miracle s’est accompli. Lorsque je suis parti le matin, j’ai refermé ma vieille et lourde porte d’entrée en bois, qui se dilatait l’été et se rétractait l’hiver, refusant de s’ouvrir ou de se fermer, selon son humeur, le degré d’hygrométrie et la température sous abri. Malgré son grand âge, je me souviens d’ailleurs l’avoir violemment agressée à coups de pied, un jour où j’étais coincé dehors. Les voisins s’étaient même joints à moi : ils y mettaient tant de cœur que j’ai fini par les soupçonner de se défouler contre ma pauvre porte. Mais il est vrai qu’il est particulièrement jouissif d’être autorisé à faire des choses habituellement fortement réprouvées. Par exemple, si chaque fois que mon ordinateur se plantait, on me tendait une masse en me disant : « tape, on t’en donnera un autre », il ne me faudrait pas plus de 2 secondes pour rendre cet engin de malheur aussi méconnaissable que Terminator à la fin de ses films. Je crois même que j’y prendrais du plaisir.
Mais revenons aux miracles. Lorsque je suis revenu vers midi, le menuisier qui devait remplacer ma vénérable porte était là, comme prévu (premier miracle). Et une nouvelle porte, aussi blanche que neuve, était posée. Il avait refait l’encadrement, ajouté un étai, appliqué de l’enduit, posé la porte sur ses gonds. Et elle fermait parfaitement ! Il avait même remis notre ancienne serrure, si bien que nous n’avions même pas besoin de changer nos clés ! L’artisan était un trentenaire souriant, qui portait une casquette de base-ball et un fin collier de barbe rousse. Il ressemblait à ces types que l’on voit dans les films américains, accoudés au comptoir d’un bar pour routiers. Ce dieu vivant, inconscient des prodiges qu’il réalisait, frotta longuement ses mains sur son jean, avant de me saluer respectueusement.
A cet instant, j’étais aussi impressionné que si j’avais serré la main de David Copperfield.
Non seulement j’aurais été bien incapable de changer ma porte, mais en plus je ne pouvais imaginer que cette entreprise put être réalisée en 2 heures. C’est en effet à peu près le temps qu’il me faut pour poser une étagère. Pour moi, le bricolage est l’archétype de la science inexacte, où l’erreur est une unité : les dimensions sont fausses, les niveaux approximatifs, les outils inadaptés, les vis trop courtes ou trop longues… Je ne sais pas ce que j’aurais fait si j’avais dû accomplir moi-même le travail magique de cet artisan. A part fixer des portes de saloon, peut-être. Ca aurait été la seule solution pour être sûr de pouvoir continuer à entrer et sortir de chez moi. En y réfléchissant bien… ça aurait eu une sacrée gueule !

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Serais-je la première a laisser un commentaire sur ce blog ?
Champagne ! Welcome Gentleman.