UNE BONNE LECON

Mais à quel écrivain peut bien faire référence cette nouvelle ? Un filet garni pour le premier qui trouve.


J'habite à Caen, où les distractions sont rares. Il m'arrive cependant de monter à Paris où, chaque fois que possible, j'essaie de passer une soirée avec Albin. Cet ami d'enfance est un compagnon agréable, qui collectionne les aventures et adore me confier ses bonnes fortunes.
Ce soir là, pourtant, il était songeur. Comme je m'inquiétais de son silence, il poussa un long soupir et commença cette étonnante confession.
- Michel, me dit-il, tu ne te doutes pas combien il est difficile et dangereux de séduire un écrivain. J’en ai fait récemment la douloureuse expérience.
- Un écrivain ? Tu m’avais plutôt habitué aux mannequins, mon cher Albin.
- Et bien justement, cela n’a rien voir. Pour faire ta cour, oublie les restaurants romantiques et les bolides écarlates. Il te sera plus utile de savoir disserter sur la métaphysique des tubes, ou de t’extasier sur des films d’art et d’essai, qui sont bien loin d’avoir le souffle d’un péplum ou d’un western.Pour tenir la conversation, j’ai dû engloutir les anthologies, dévorer les encyclopédies et même ingurgiter le Robert des noms propres. Bref, un calvaire.Après plusieurs semaines de ce régime, j’ai cependant pu arriver à mes fins.Mais très vite, notre relation s’est essoufflée.Il était temps alors de rompre.Tu le sais : je suis lâche. J’ai donc préféré le sabotage amoureux à l’attentat suicide. J’ai accumulé les mufleries en oubliant les rendez vous, en me trompant de prénom, ou en m’endormant lors de la lecture de ses manuscrits…Malgré cela, notre relation tenait toujours. Il fallait donc annoncer la rupture. J’avais le choix entre la métaphore du physicien et la rudesse du cancérologue.
- La métaphore du physicien ?
- Oui. Du style : « le mercure de notre passion a refroidi et le moteur à explosion de notre amour manque de combustibles… ». Mais j’ai préféré la méthode du cancérologue, qui est beaucoup plus directe. Elle se résume à quelques mots : « notre amour est condamné, il n’y aucun espoir, merci de libérer la chambre. »
- Effectivement, c’est plutôt direct ! Et quelle a été sa réaction ?
- D’abord le silence : stupeur et tremblements. Puis la parole est revenue : à des mots durs exprimés avec une colère froide ont succédé de véritables catilinaires. Tu sais ce qu’elle m’a dit ? « Comme tous les mauvais Casanova, tu crois que la franchise suffit à préserver la propreté de ta conscience. La franchise, mon pauvre, ce n’est que l’unique et cynique hygiène de l'assassin du romantisme ! »
- Qu’est-ce que cela signifie ?
- Je ne sais pas, et je ne lui ai pas demandé un commentaire de texte… Mais cela ne restait encore que des mots…
- Parce qu’il y a eu plus ?
- Bien plus ! Elle a fini par se transformer en furie, en un guerrier impitoyable qui vide les tubes de cosmétique de l’ennemi, casse les bibelots, déchire les rideaux,… J’ai eu toutes les peines du monde à la mettre dehors !
- Eh bien, mon cher Albin, j’espère que tu as tiré les enseignements de cette aventure !
- Oui… Je ne serai jamais éditeur !

3 commentaires:

Anonyme a dit…

Amélie Nothomb ! Qu'est-ce-qu'il y a dans le filet garni ? Pas des légumes moisis quand même ? (ha ha ! Sacrée Amélie !).
Comment ça j'ai l'air bien sûr d'avoir gagné ? Bin oui,évidemment,monsieur Michel c'est mon voisin de palier,à moi aussi il m'a raconté la même histoire (peut-être qu'il radote ?),alors c'est pour ça,j'la connais son histoire avec Amélie...

Monsieur K. (qui n'a pas eu le prix Amélie Nothomb,lui,bravo Laurent).

Laurent L. a dit…

Merci Monsieur K ! Ca fait plaisir de te voir ici !

Anonyme a dit…

Pas d'quoi ! Mais faut vraiment que je me trouve un nouveau pseudo ! (j'sais pas,Monsieur Z ?)