Balades sous un érable

Mardi, 2 mai

Je vis au bout d’un couloir semé de cellules aux portes ouvertes et ma fenêtre donne sur le parking des visiteurs, si désespérément vide les jours de semaine. Ma chambre est sans doute aussi grande que celle de la maternité ou je suis né. Je n’ai donc pas à me plaindre : je n‘ai rien perdu en quatre-vingt ans. Ma vie se traîne désormais entre trois salles : ma chambre, le réfectoire et la salle télé. Tout est ici incroyablement blanc et propre. C’est d’ailleurs ce qui a le plus frappé ma belle-fille. Elle l’a claironné au moins dix fois lors de notre première visite, sous l’œil gêné de mon fils : « En tout cas c’est propre ! ». Pour elle, rien n’est plus important. Cette résidence pour vieillards ressemble donc à ma belle-fille : elle est très propre et respire l’ennui.

Mes co-locataires ont entre soixante-quinze et cent-un ans. Ils sont plus ou moins touchés par la sénilité et un tri a dû être opéré. Le bâtiment est donc organisé en trois niveaux. Les premiers et deuxièmes étages accueillent les valides : c’est là que j’ai la chance de résider. Les « semi-valides » sont au troisième et les dépendants au dernier étage.
Il est surprenant de voir que la hauteur de l’étage est inversement proportionnelle au degré de mobilité des pensionnaires. La logique aurait voulu que ce soit l’inverse. Le pragmatisme l’a cependant emporté : les dépendants sont tout en haut afin de pas infliger le spectacle de leur déchéance aux visiteurs. Les valides sont en bas parce que plus présentables. La majorité des familles peut ainsi repartir en disant à l’ancêtre : « tu es bien ici ! »

J’avoue : je n’ai pas encore osé monter au quatrième. Je vois les visiteurs entrer dans l’ascenseur, visage fermé, lèvres closes. En quelques secondes, ils doivent être transportés dans un univers terrifiant où les attend l’image de leur propre vieillesse. Ils passent des minutes interminables avec un parent qui ne les reconnaît pas, recroquevillé au fond d’un lit ou d’un fauteuil. Ils disent quelques mots, inspectent rapidement la salle de bain, vérifient que les draps sont propres puis repartent après un rapide baiser sur une joue flasque. Ils sortent de l’ascenseur comme d’une longue apnée. Leur pas est rapide, ils ont déjà leur clef de voiture à la main. Peut-être se sentent-ils coupables. Pourquoi le seraient-ils ?

Les repas se prennent au rez-de-chaussée, sous un vertigineux plafond cathédrale où des moineaux viennent se perdre les premiers jours de printemps. Nous mangeons sur des tables longues et étroites, entre lesquelles trois matrones sans sourire servent et desservent avec un empressement déprimant. Elles ont hâte d’expédier cette corvée et le claquement de leurs talons accompagne le cliquetis des fourchettes.
L’après-midi s’étire lentement entre sieste, télévision et jeux de cartes. Moi, je ne joue pas et je me suis fait peu de copains dans mon nouveau pensionnat. Il y a peu d’hommes, ici : la vieillesse est un mot féminin.

Heureusement, il y a Rosalie.
Rosalie a la sagesse et la bienveillance des grands-mères de souvenirs d’enfance. On devine qu’elle habitait dans un petit appartement au plancher grinçant et aux armoires parfumées de lavande. Il flottait dans son salon une odeur indéfinissable, douce, légèrement entêtante et à jamais inoubliable. Dans le buffet, il devait y avoir des trésors cachés : bonbonnière, jonchets, petits chevaux et une bouteille de crème de cassis. Le bleu de ses yeux a légèrement passé mais un petit éclat malicieux continue à y habiter.
Rosalie était déjà là lorsque je suis arrivé. C’est même la première pensionnaire que j’ai vue. Nos regards se sont croisés et j’ai su que j’avais trouvé une copine. Il existe un instinct de l’amitié, un neurone du copinage qui se trompe rarement. Il clignote pour la première fois dans la cour de maternelle et vous guide tout au long de votre vie.
Je me suis donc assis près de son fauteuil roulant le premier jour au réfectoire. Elle a engagé aussitôt la conversation et m’a présenté tous les convives, avec l’élégance et l’assurance d’une comtesse slave. Nous sommes allés prendre le café dans sa chambre. C’était la première fois que je poussais son fauteuil. Un plateau était posé sur ses genoux avec nos deux tasses tremblotantes et j’avançais prudemment pour ne pas dissoudre cette amitié naissante dans un arabica maladroitement renversé.
Depuis, c’est devenu un rituel. Chaque midi, nous prenons notre café ensemble. Quand il ne fait pas trop froid, nous sortons dans le jardin pour nous installer autour d’une petite table de fer blanc dentelée. D’habitude, nous commentons les menus événements de la résidence et je me moque gentiment de certains pensionnaires ou de nos soignants. Elle feint de s’émouvoir et me gronde parfois comme un enfant mais je sais qu’elle adore ces moments de complicité.
Hier, pourtant, notre conversation a été plus sérieuse. Je vais essayer de la retranscrire…

Il est midi et nous sortons de table . Je me glisse derrière Rosalie et débloque le frein de son fauteuil. Nous démarrons en douceur notre promenade quotidienne.
- T’es pas venue à la soirée Disco hier soir ?
Rosalie glousse et balaie l’air de la main :
- Ca t’arrive de dire autre chose que des bêtises ?
Nous sommes les seuls à nous tutoyer. Autour de nous, le vouvoiement est roi. Il n’y pas plus cérémonieux qu’une maison de retraite.
- Avec toi, non. Je sais que tu adores ça. Tu es une vieille dame indigne.
Les portes vitrées s’écartent sans bruit et le printemps nous accueille sur la terrasse. Nous passons sous un tunnel de glycines et nous engageons sur l’allée au sol élastique, au milieu de la pelouse impeccablement coupée.
- Il y a plein de jolies filles ici. Pourquoi m’as tu choisie ?
- Parce que tu étais celle qui bavait le moins.
Rosalie prend sa voix d’institutrice grondeuse.
- Tu ne devrais pas dire des horreurs pareilles. On pourrait t’entendre !
- Pas de risque : mon pacemaker brouille leurs sonotones.
- Idiot ! Tu es incorrigible.
Nous arrivons près de notre table, à l’ombre d’un érable qui aime accueillir sous ses vénérables frondaisons les deux petits jeunots que nous sommes.
Je cale le fauteuil de Rosalie et dépose nos tasses sur la table. Nous restons quelques instants sans prononcer un mot. Devant nous s’étend le parc de notre maison.
- Rosalie, tu n’as jamais pensé à partir ?
- Que veux-tu dire ?
- Passer la grille, retrouver le monde.
- Tu veux faire une fugue ?
- Pourquoi pas ?
- Mais pour aller où ? Tu es un vieux lion qui rêve de savane mais tu ne pourrais pas survivre si tu retrouvais la vie sauvage.
- Je me fiche de ne pas survivre. Survivre, c’est ce que je fais depuis six mois. Et on ne peut pas dire que ça me rend heureux. Tu sais qu’on est en prison ici, Rosalie ? Si tu passes le portail sans permission, ils lâchent les chiens.
Rosalie glisse sa main fraîche dans la mienne.
- Tu me quitterais ?
Je regarde mon amie. Les moments passés ensemble sont les seuls agréables de cette fin de vie compassée et triste. Je n’ose imaginer ce que seraient mes journées sans elle.
- Je ne t’abandonnerai pas : je viendrai regonfler tes pneus chaque dimanche.
Rosalie sourit.
- Je me demande comment je peux supporter un humour d’aussi mauvais goût.
- Tu n’as pas le choix. Je suis le meilleur pousseur de toute la résidence.
Ma comtesse slave pousse un long soupir. Nous restons quelques instants sans parler. C’est vraiment une très belle journée : il fait un temps de rivière, de gazouillis et de pique-nique sur nappe blanche.
- Sincèrement, tu crois que tu serais mieux dehors ?
- Ca ne te plairait pas ? Il n’y a rien qui te manque ?
- Tu es malheureux parce que tu n’acceptes pas d’être vieux.
- Ca te fait plaisir, toi ?
- Oui ! J’ai toujours rêvé d’être une grand-mère. Je suis d’un naturel tranquille : j’aime lire, rêver, observer, flâner et c’est seulement maintenant que je peux le faire. J’ai passé ma vie à m’occuper des autres, à être sans cesse en mouvement, à travailler pour des gens que je méprisais, à voler du temps en cachette pour faire ce que j’aimais. Ici, je suis en paix, je ne me préoccupe de rien. J’ai la chance d’avoir encore mes yeux et de bonnes lunettes : je peux lire, faire des mots croisés, jouer de temps en temps à la manille…
Observe ce moment : nous sommes dehors, il fait bon, un rayon de soleil me chauffe les épaules et je m’apprête à tremper les lèvres dans un café que je n’ai pas préparé. Je ne suis attendue nulle part, je n’ai rien à faire d’ici ce soir, juste à plisser les yeux comme une vieille chatte et à somnoler gentiment en t’écoutant raconter des bêtises.
- Ca ne te pèse pas trop tant de sagesse ? Tu n’as pas des regrets ? Des choses que tu aurais rêvé de faire ou de connaître ? Réponds-moi sincèrement.
Ma question laisse Rosalie songeuse. Elle croise les bras, penche la tête et prend son temps avant de me répondre.
- J’ai toujours été naturellement attirée par le soleil.
En disant ces mots, elle dresse le menton pour laisser les rayons lui masser le visage. Les yeux mi-clos, elle s’envole loin du parc.
- Il y a pourtant un voyage que je regrette, qui a toujours été dans mon imaginaire mais manque à mon souvenir.
- Lequel ?
- J’ai longtemps rêvé d’Ecosse. Une lande courant le long d’une côte déchiquetée, un ciel de peintre flamand, tourmenté et magnifique… Le vent souffle, anime la mer, courbe les herbes et affole les buissons. Le paysage est peint de couleurs sombres et profondes, sans cesse renouvelées par la course des nuages. Ce sont des couleurs d’automne où le fauve domine. Un épagneul roux marche à mes côtés, frôlant de temps en temps le cuir de ma botte… J’aperçois au loin les ruines d’un château découpées dans un ciel de papier gris. Un couple de corneilles plane au-dessus du donjon. Le vent m’enivre d’iode et d’embruns et souffle à mon oreille des légendes fantastiques…
Rosalie semble parler sous hypnose. J’ai moi aussi fermé les yeux et je marche à ses côtés, les cheveux ébouriffés par le vent de l’océan. Nous sommes seuls sur ce chemin côtier, perdus dans un paysage sauvagement beau. Sa voix s’est tue mais je décide de prolonger notre balade écossaise.
- Nous longeons des champs de bruyères où flottent des écharpes de brume. Devant nous, les falaises se séparent et laissent apparaître, en contrebas, un petit village de pêcheurs. De la fumée s’échappe des toits de chaume. L’enseigne rouge du pub du vieux Mac Leod se balance dans le vent. Encore trois enjambées et nous irons nous réchauffer chez lui devant un bon Irish Coffee…
- De l’Irish Coffee en Ecosse ? Tu veux nous faire trucider ou quoi ? s’étrangle Rosalie.
Je me décide à interrompre notre promenade pour fuir le courroux du vieux Mac Leod.
- Et pourquoi n’irais-tu pas ? Demande à ta petite fille de t’emmener.
Rosalie ouvre les yeux. Elle se tourne vers moi et me tapote affectueusement le bras.
- Ce n’est plus la peine : je viens d’y aller.

Jeudi, 5 novembre

- Où allons-nous aujourd’hui ?
Emmitouflée dans un patchwork de laine chaude, Rosalie attend ma réponse. Cela fait maintenant six mois que, chaque début d’après-midi, nous partons en voyage. Emballés par notre escapade en Ecosse, nous avons depuis sillonné la France et au moins cinq continents.
- A Paris.
- Chouette ! J'adore les dimanches d'hiver à Paris. D’où partons-nous ?
- De la rue de Rivoli. Tu es prête ?
Rosalie ferme les yeux et s’enfouit un peu plus sous sa couverture.
- Prête !
- Nous sommes près de la sortie du métro, à côté d’un vendeur de marrons chauds. Il porte des mitaines et l’extrémité de ses doigts est noircie par le charbon. Près de son réchaud, quelques touristes frigorifiés attendent de se brûler les doigts et les joues.
- On en prend ?
- Tout à l’heure. Pour l’instant, garde les mains dans les poches : il fait un froid de canard et tu as déjà les joues en feu. On va marcher pour se réchauffer.
- Au retour, alors.
- Promis. Tu me suis ? Nous quittons le bruit de la rue pour entrer dans la cour du Louvre. La pyramide se dresse devant nous : nous la laissons aux touristes et nous nous réfugions dans le jardin des Tuileries. Les bancs sont délaissés et la fontaine est gelée. Nous avançons doucement dans les allées vides et un petit nuage blanc flotte devant nos lèvres. Nous traversons le jardin et nous accoudons sur la pierre d'un balcon. Tu vois ce qu’il y a devant nous ?
- Les Champs Elysées, poursuit Rosalie. Ils semblent encore plus larges que d'habitude. Les décorations de Noël sont déjà dans les arbres. Une guirlande scintillante de phares descend de l’arc de triomphe. Devant nous, des touristes sautillent sur le trottoir en attendant de monter sur la grand-roue. Je peux te faire un aveu ?
- Oui.
- Je déteste les Champs Elysées.
- Ouf ! J’osais pas te le dire. On fait demi-tour alors. Tuileries, Pyramide, voici la cour carrée du Louvre. On va passer rive gauche : le pont des Arts, ça te dit ?
- J’entends le bruit des lattes sous nos pas. Deux touristes nous demandent de les photographier.
- Pas de problème, je viens de les balancer par-dessus le pont. Ils ont atterri sur un bateau mouche…
Une voix inquiète interrompt notre flânerie.
- Que faites-vous dehors par ce temps ? Vous allez attraper froid !
Une infirmière se précipite vers nous. J’ai l’impression d’être un gamin surpris en train de fumer au fond de la cour. Je chuchote à l’oreille de Rosalie :
- Si on la tue tout de suite et qu’on l’enterre sous l’érable, tu crois que l’on remarquera son absence ?
Ma copine me rassure :
- Ne t’inquiète pas : on y retournera.


Dimanche, 19 novembre

Voilà une semaine que je n’avais pas écrit.
Je ne pensais pas pouvoir encore avoir du chagrin.
Il arrive un âge où vos émotions sont en sourdine. Vous n’avez plus ni éclats de voix ni éclats de rire. Et vous n’éclatez plus en sanglots.
Pourtant…
Vous croyez que plus personne ne pourra vous faire souffrir, que la mort est devenue trop familière pour vous surprendre.
Pourtant…
Ici, la mort se glisse en douce par les portes ouvertes des chambres. Nous sommes des chandelles vacillantes, à la merci du moindre souffle de froid. Ici, les vieux partent la nuit. Peut-être font-ils tous le même rêve ? Peut-être la mort vient-elle en rêvant ? Un dernier rêve, le même pour tout le monde.
Les familles viennent une dernière fois pour vider l’armoire et emporter la petite radio grise calée sur France Info. Dès le lendemain, le prochain sur la liste d’attente prendra la chambre… s’il est toujours vivant.

Cette fois je suis tout seul. Ce midi, j’ai descendu l’allée au sol élastique, les mains dans les poches… Comme un con. J’ai retrouvé le goût du sel au coin de ma bouche : une larme discrète, peut-être la dernière que je verserai.
J’ai traversé la pelouse pour aller m’asseoir sous l’érable.
Seul.

Rosalie est tombée malade le lendemain de notre promenade écourtée sur le pont des Arts. Son état s’est aggravé la nuit suivante et ils ont dû la transporter en urgence à l’hôpital voisin.
Hier, après deux semaines de séparation et de nouvelles alarmantes, un taxi m’a conduit jusqu’à ma copine de vieillesse.
Pour la première fois depuis des années, j’avais mis une cravate.
Je suis resté une heure dans la chambre de Rosalie. Elle avait demandé à l’aide-soignante de la coiffer et de la maquiller et ses cheveux blancs étaient déliés sur l’oreiller. Elle ne parlait déjà plus mais l’infirmière m’a assuré qu’elle m’entendait. Je lui ai murmuré mes dernières idioties et elle est partie en me caressant la joue : un effleurement doux et tendre, du revers de la main.
Mon cœur s’est gonflé de larmes et a éclaté d’un seul coup. Le chagrin était devenu trop lourd, impossible à refouler et je me suis déchiré comme une toile. Je n’étais qu’un petit vieux aux épaules secouées de chagrin, sanglotant sur un drap d’hôpital.
Et puis ce matin, la lettre est arrivée. Une écriture tremblante, à peine appuyée.

Cher Jean,
Ce matin, la maladie semble partie embêter d’autres poumons et je profite de ces quelques minutes de répit pour t’écrire.
Par la fenêtre, je vois qu’il fait beau. Sans doute iras-tu cet après-midi visiter notre cher érable. Dis-lui qu’il me manque, tout comme nos promenades.
Je suis fatiguée et ne pourrais pas t’écrire une longue lettre. D’ailleurs, ce n’est pas une lettre, juste un billet de rendez-vous. « Billet », tu ne trouves pas ce mot joliment désuet ? Ca me fait plaisir de le sortir comme ça, tout blanc, tout propre, pour toi.
Voilà maintenant six mois que nous jouons les globe-trotters. Tu te souviens de ce restaurant de Little Italy où tu m’as joué de la mandoline ? De notre virée à Vienne et de notre valse dans les jardins du Prater ? Et les dauphins que nous avons suivis dans le golfe du Saint Laurent ? Ferme les yeux : tu les vois n’est-ce pas ? Et tu me vois aussi, à côté de toi… Alors, je voudrais te demander quelque chose : continuons nos promenades.
Viens prendre ton café chaque midi sur notre petite table blanche, au milieu de la pelouse. Couvre-toi bien, ferme les yeux, déplie tes vieilles jambes et viens me rejoindre.
Nous avons encore plein de choses à voir : le Taj Mahal à Agra, le Ponte Vecchio à Florence, le musée de l’Ermitage à St Petersbourg (ne râle pas, tu sais que j’adore les musées)… Pour notre premier rendez-vous, je t’attends sur le pont des Arts : il faut que l’on termine notre balade parisienne. Tu m’as promis des marrons, souviens-toi !
Je t’embrasse.
A tout à l’heure.
Rosalie.

Alors, seul sous mon érable, j’ai fermé les yeux et je suis parti la retrouver. J’ai balancé trois touristes à la flotte, nous nous sommes goinfrés de marrons et je lui ai donné rendez-vous demain midi à Florence, sur le Ponte Vecchio.

La vita è bella…

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